La Société Belge des Professeurs de Mathématique d'expression française

Une seule géométrie ?

L’enseignement de la géométrie, en tout cas dans les premières classes, recourt fortement à l’intuition physique. Alors que des notions (carré, droites parallèles, translations, cercles, etc.) reçoivent une définition précise, d’autres s’introduisent à partir de l’observation (point, droite, mesure d’angle, etc.). Pendant au moins deux millénaires, l’enseignement de la géométrie élémentaire a reposé sur les Eléments d’Euclide. Longtemps jugé complètement rigoureux, l’exposé des Eléments omet cependant d’expliciter certaines notions. Par exemple, Peano et Pasch ont mis en avant le rôle de la relation « entre ».

Démontrer une propriété de géométrie plane requiert en principe de la déduire de résultats préalablement établis (axiomes, postulats, propositions déjà démontrées) par des raisonnements portant sur des notions bien définies. Mais l’objectif d’une rigueur aussi exigeante est incompatible avec l’âge des élèves, tandis que le recours à l’intuition physique repose sur un présupposé : il n’y a qu’une géométrie, qui est tout à la fois celle du monde physique et celle des Eléments.

L’exposé poursuit deux buts. Tout d’abord, montrer que dans les notions communes de géométrie plane, un tri s’avère utile. Seulement certaines notions résistent aux projections parallèles (par exemple, celle de parallélogramme mais pas celle de carré), et parmi elles certaines résistent même aux projections centrales (comme la notion de droite complétée). Il en résulte une classification des concepts et résultats géométriques en euclidiens, affins et projectifs. Cette classification s’avère utile dans la résolution de certains problèmes, nous prendrons des exemples dans les questionnaires de l’olympiade mathématique. Selon un point de vue plus avancé, il existe (au moins) trois types d’espaces géométriques avec leurs propres groupes de transformations.

Le second but de l’exposé est de signaler l’existence d’autres géométries encore. La question de savoir si un des axiomes utilisés par Euclide est indépendant des autres a conduit à la conception des géométries non-euclidiennes (elliptique ou hyperbolique, parfois appelées de Riemann ou de Lobachevski). Nous les évoquerons sans entrer dans les détails techniques. Il est important de savoir que leur découverte dans la première moitié du dix-neuvième siècle a révolutionné les conceptions d’espace non seulement des mathématiciens, mais aussi des physiciens et des philosophes. La liberté intellectuelle du mathématicien, exercée par exemple sur des intuitions physiques diverses, a engendré par après de multiples notions d’espaces. Un exemple tout à fait abordable est celui des plans conformes, découlant de l’étude d’une transformation bien oubliée dans les classes d’aujourd’hui, l’inversion. Un autre est celui de la géométrie projective, menant à une interprétation de certains phénomènes physiques intrigants.

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